Les Aborigènes
J’ai été invitée par les éditions La Poule Rouge à illustrer une affiche de la série Peuples Autochtones.
Dans une liste proposée par l’éditeur, mon choix s’est porté sur les Aborigènes. Mais quelle légitimité pour témoigner de ce qu’on ne connaît pas, comment parler de toute une culture en une seule image?
J’ai commencé par représenter ce qui me fascinait au premier instant, l’environnement de ce peuple, la nature, les traditions surprenantes de chasse ou de cueillette, les costumes rituels.
Mais il me semblait que j’étais toujours dans une représentation de carte postale, et j’espérais trouver un axe plus juste.
C’est en continuant à me renseigner sur les Aborigènes que j’ai eu l’occasion de découvrir plusieurs films de fiction, mettant en scène des individus plus qu’un groupe, et notamment, “Charlie’s Country”, un film australien réalisé par Rolf de Heer, sorti en 2013. Ce film bouleversant raconte l’histoire de Charlie, incarné par l’acteur Aborigène David Gulpilil, et c’est son portrait que j’ai finalement choisi de dessiner pour ce projet.
Ancien guerrier, Charlie vit dans une communauté isolée et abîmée, où les lois des blancs sont appliquées strictement : il n’est plus possible de posséder une lance pour chasser, la vie dans la ville morcelle l’âme des individus comme celle de leur peuple. Perdu entre deux cultures, Charlie décide alors de retourner vivre dans le bush selon les traditions des anciens.
Mon portrait de Charlie le représente dans la nature, sous la pluie. Ici vous pouvez voir les différents cadrages et décors par lesquels je suis passée avant de choisir l’image finale, qui sera imprimée en sérigraphie par Olivier Bral, dans son atelier, à Lyon.
Voici la genèse du projet décrite par Christophe, l’éditeur :
“En juin 2019, alors qu’avec Olivier Bral, sérigraphe et co-éditeur de cette exposition, nous terminions la collection de sérigraphie Révolté.e.s, Rebelles et Hors la loi, je commençais à réfléchir à la création d’une nouvelle série d’affiches. Olivier me parle alors d’une des ses lectures en cours, « la Société contre l’Etat » de Pierre Clastres. Curieux , je me procure le livre de cet anthropologue français , disparu en 1977. Dans ce livre , Pierre Clastres avance que les sociétés primitives ne sont pas des sociétés qui n’auraient pas encore découvert le pouvoir et l’État, mais au contraire des sociétés construites pour éviter que l’État n’apparaisse. S’ensuit alors une période de documentation à la fois sur la thèse de Pierre Clastres mais aussi sur les Peuples Autochtones à travers le monde. L’idée d’une collection sur les Peuples Autochtones fait son chemin, pour pouvoir raconter leurs histoires et mettre en lumière leurs cultures et leurs conditions de vie. Sur tout les continents vivaient et vivent des communautés autochtones qui ont souffert de la colonisation et ensuite du culte insatiable de l’argent et de la consommation, tout cela au nom du « progrès » ( un ancien premier ministre a même avancé que la colonisation visait à partager sa culture). Leur environnement a été saccagé, certains ont connus et continuent à subir les violences de leurs Etats, beaucoup sont morts de maladies apportées par les colonisateurs. Cette collection est en cours de développement, ici vous pourrez voir les premières affiches. A terme il s’agira d ‘une exposition de 25 affiches, 25 peuples par 25 artistes et…25 textes pour vous racontez l’histoire de chaque peuple. Les textes accompagnants ici les affiches sont temporaires. Les futurs textes seront écrits par des journalistes, romanciers et chercheurs en sciences sociales. Il sera question d’histoire et d’anthropologie mais aussi d’écologie et de philosophie, il y aura également des interviews et de courtes nouvelles. Toutes les affiches sont imprimées en sérigraphie et sont disponibles à la vente en tirage limité.”